L’IA comme algorithme, l’illusion de transparence
“Algorithme” n’est pas un bon terme, parce qu’il suggère que la “recette dans le livre” est la même chose que “l’action de cuisiner réellement”
Ayant mobilisé le vocabulaire usuel des data scientists, nombreux ceux qui en ignorent (ou feignent d’en ignorer) les subtilités. Ils peuvent ainsi déployer les argumentaires les plus fantaisistes sur l’IA.
Les discours sur l’IA utilisent des termes polysémiques, porteurs de connotations qui traduisent mal sa réalité : il est trompeur de l’approximer comme “algorithme, système, modèles, outil” ; il est abusif de la qualifier d’“autonome, automatique, capable de décision rationnelle”. Quant aux données sur lesquelles les IA s’appuient, si les questions de biais et de légalité de leur obtention ne sont pas à négliger, elles sont loin d’être centrales : on commencerait s’en rendre compte si on employait le terme “obtenues”, plutôt que “données”, comme le proposait Bruno Latour.
Les notions suivantes font à peu près l’unanimité. C’est à tort, croyons-nous, parce qu’en les mobilisant sans précaution, on favorise la cristallisation d’un consensus plus ou moins absurde.
“Algorithme” n’est pas un bon terme, parce qu’il suggère que la “recette dans le livre” est la même chose que “l’action de cuisiner réellement”
Les termes “système d’IA” ne sont pleinement pas acceptables en l’état, parce qu’ils suggèrent à tort que l’on peut en connaître les frontières concrètes et les effets pratiques.
"Modèle d'IA" n'est pas un bon terme, parce qu’il mène à assimiler des choses différentes, voire contradictoires.
L’IA n’est pas autonome, et non pleinement automatique.
Un outil déclenche des effets dans le monde, effets régis par les lois naturelles. L’IA déclenche des inférences calculatoires dans l’ordinateur, régies par des lois mathématiques. C’est différent.
La facilité de langage “décision de l'IA” fait oublier qu’une prise d’option automatique n’a rien à voir avec une décision libre et éclairée.
La notion de donnée est inséparable de celle de traitement, un peu comme la matière est de l’énergie stabilisée, et l’énergie de la matière en transformation. Il est alors douteux de désigner les données comme des objets caractérisables.
Un problème avec un algorithme ? On doit pouvoir en choisir un meilleur ! Un système défaillant ? Modifions ses intrants pour l’améliorer ! Tout, plutôt que de regarder en face l’intrication logicielle ! Les informaticiens sauront bien s’en occuper, puisque c’est leur problème, n’est-ce pas ?
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